Le plus avec le moins

peinture directe

Mosaïque

mercredi 25 septembre 2013 , par Joël Auxenfans

La peinture, bien qu’elle soit souvent - lorsqu’elle n’est pas familière - l’objet d’un complexe ou d’une dérision (« regardez c’est de l’art ! », « C’est moi Picasso ! »…), peut être aussi appréhendée dans son économie. « Économie » n’est pas ici à entendre au sens de ces slogans entendus ici ou là dans les médias, qui en général s’avèrent d’assez grossiers contre-sens (« travailler plus pour gagner plus » , ou d’autres…), puisqu’au fond, l’économie, proche du mot « icône » (Marie-José Mondzain, « Image, icône, économie : Les Sources byzantines de l’imaginaire contemporain » (Seuil 1998), ou « Le commerce des regards » (Seuil 2003) traite d’une relation d’échange vertueuse entre la production d’une visibilité et sa capacité à apparaître aux regards des spectateurs.

C’est ce qui a été expérimenté par les élèves : « faire voir le plus avec le moins de coups de pinceau ». En travaillant uniquement au pinceau et à la gouache noire, les élèves ont eu à essayer de multiplier les tentatives de peinture directe, sans crayon, sur du papier de récupération trouvé au collège. Cela les a obligé à choisir leurs meilleurs dessins parmi de nombreux essais, le but étant de capturer quelque chose de fuyant, ce moment par lequel une tache ou une forme devient une chose reconnaissable de manière évidente. Apparaissent alors les deux parties de la forme : les formants qui la constituent (traits, taches,…), et le sens qu’elle véhicule. Aucun dessin, aussi génial soit-il, ne pourrait en effet être perçu si les spectateurs n’avaient acquis dans notre société de l’image, puis cultivé, une capacité à lire les images, à discerner dans un ensemble de traits ou de taches, quelque chose qui ait un sens, un espace de représentation, une lumière, une présence.

Deux moyens s’offraient méthodologiquement aux élèves : soit peindre en se concentrant sur la chose qu’ils voulaient représenter en quelques coups de pinceaux, soit produire quelque chose d’indéfini en quelques gestes, et entrevoir dans ce premier jet, la piste à suivre pour compléter en peu de chose pour atteindre une vraisemblance optimale. Certains ont produit une visibilité évidente à leur insu, persuadés d’avoir raté ce qu’ils souhaitaient de dessiner. D’autres ont pu à force de travail, ou d’un coup de génie (qui existe davantage que l’on croit chez chacun), la perle rare, le dessin presque parfait, évocateur, qui anime le regard et émerveille.

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