Témoignage de Mme Kolinka, ancienne déportée d’Auschwitz-Birkenau

par Marianne Finaltéri

Le mardi 22 mars, Mme Kolinka est venue témoigner au collège. Le matin, elle a rencontré les élèves de 3e2 et de 3e6 qui l’ont enregistrée, avec leur professeur M. Gekière, et l’après-midi, elle a témoigné devant les élèves de 3e3 et 3e4. Le lendemain, en cours d’histoire, les élèves de 3e3 et 3e4 ont rédigé un court texte, dans lequel ils ont exprimé ce qu’ils ont retenu du témoignage de Mme Kolinka, ce qui les a intéressé, étonné, touché ou choqué. Voici quelques extraits de leurs textes.

En 1943, Ginette Kolinka habitait à Paris avec sa famille (6 sœurs, un frère et ses parents). Lors de la guerre, elle et sa famille partirent dans une petite ville à côté d’Avignon. Un jour, alors qu’elle rentrait chez elle, elle vit deux SS avec son frère, son neveu et son père. Elle se demanda ce qui se passait mais, au fond d’elle, elle savait qu’ils venaient les chercher. Sa mère, étant malade, est restée en haut. Les SS emmenèrent Ginette, son neveu, son frère et son père. Cela m’a beaucoup touchée, car son frère, âgé de 14 ans, fut séparé de sa mère.
(Zahra, 3e3.)

Le passage sur son enfance m’a beaucoup plu car, innocente, en jouant comme tout le monde, on ne la soupçonnait pas d’être juive.
(Quentin, 3e4.)

Les juifs n’avaient pas le droit de tout faire. Il y avait plein de choses qu’ils ne pouvaient pas faire : ils devaient faire leurs courses à 4h, prendre le dernier wagon du métro, etc. Un jour, un ami de la préfecture les a appelés pour leur dire qu’ils allaient être arrêtés.
(Loïc, 3e3.)

Son père était français et pensait qu’il ne leur arriverait rien de grave s’il respectait les lois anti-juives. Sa famille avait cousu l’étoile jaune et mis le tampon « juif » sur leur carte d’identité.
(Alexis, 3e3.)

Elle était la dernière fille. Elle n’était donc pas, selon elle, très débrouillarde. Sa famille ne pensait pas avoir de problème car ils étaient français. Mais certains membres de cette famille étaient communistes. C’est donc pour éviter la Gestapo qu’ils sont partis en zone libre.
(Hannah, 3e3.)

En zone libre, elle a changé plusieurs fois de villes. Sa famille et elle se sont procurés des faux papiers avec la mention « orthodoxe » et non pas juive.
(Valentin, 3e3.)

Ses parents ont organisé un voyage par le biais de passeurs pour atteindre la zone libre. Mme Kolinka voyait ça comme une aventure.
(Thomas, 3e3.)

Pendant la fuite vers la zone libre, elle était joyeuse, inconsciente. Elle pensait que cela ne pouvait arriver qu’aux autres, mais pas à elle et à sa famille.
(Amélie, 3e4.)

Ginette qui était insouciante, naïve et qui ne se doutait pas de la souffrance des parents aima bien ce début d’aventure.
(Euryale, 3e3.)

Un jour, à Avignon, sa famille fut arrêtée. Son père, son frère étant juifs, avaient été circoncis à la naissance, comme 99% des garçons de la population juive. Ce fut un moyen de reconnaissance pour les arrêter.
(Marine, 3e4.)

Elle avait 19 ans quand elle s’est fait déporter parce que l’on soupçonnait sa famille d’être des juifs. Elle a d’abord été emmenée à Drancy et ensuite a fait trois jours et trois nuits de train sans boire ni manger.
(Camille, 3e4.)

Ils furent déportés à Drancy où elle était de corvée de patates. Elle resta là dix jours. Puis elle fut emmenée dans un wagon à bestiaux pendant trois jours et trois nuits, vers Birkenau.
(Hannah, 3e3.)

Dans le train vers Auschwitz :
Elle nous a raconté son voyage en train, dans des conditions horribles : trois jours et trois nuits. Son arrivée dans le camp était tout aussi horrible : des officiers sont montés dans le wagon, ont hurlé sur les déportés et leur ont interdit de prendre leurs affaires.
(Christophe, 3e4.)

Le voyage en train devait être très dur, car ils ne pouvaient pas manger. Ils ne voyaient rien. Il devait faire trop chaud.
(Alexandre, 3e4.)

Ils se sont fait mettre par centaine dans un wagon, pendant trois jours et trois nuits, sans air (juste des fois un petit trou), avec des toilettes qui débordaient. Et quand ça débordait trop, ils faisaient sur eux. Il y avait une odeur terrible.
(Émilie, 3e4.)

Dans le train, les conditions d’hygiène étaient très mauvaises : tout le monde était serré et lorsque quelqu’un voulait aller faire ses besoins, cette personne devait aller à la tinette. Les personnes se trouvant à côté de la tinette n’avaient pas de chance, d’autant plus qu’elle n’était pas vidée. Les gens se trouvant à côté de cet objet empêchait les autres d’y aller car cela devenait insupportable pour eux.
(Thierry, 3e3.)

Elle a dit qu’avec son père, ils pensaient ne jamais pouvoir revoir sa mère qui était malade. Mais quand elle a été libérée du camp, elle l’a retrouvée vivante avec ses sœurs.
(Mélanie, 3e3.)

A Birkenau :
Quand elle est descendue du wagon, les nazis ont demandé si les personnes voulaient marcher pour aller jusqu’au camp ou si elles étaient trop fatiguées ou malades. Dans ce cas, on les emmènerait en camion. Elle voulait marcher mais a dit à son père et son frère d’y aller en camion car elle les savait épuisés. A ce moment-là, naïve et ne sachant pas ce qui se passe dans les camps, trouve les nazis pas si inhumains que ça et même gentils, cléments, avenants. On lui dit qu’ils se retrouveront tous au camp.
(Charles, 3e4.)

Quand elle nous a dit que, par erreur, elle avait envoyé son frère et son père dans des camions, en direction des chambres à gaz, on sentait qu’elle regrettait quand elle a su ce qui s’est passé.
(Marie, 3e4.)

Mme Kolinka nous a expliqué qu’elle voulait marcher et sentir l’air car elle ne supportait plus l’odeur qu’il y avait dans le wagon.
(Angélique, 3e3.)

Elle a parlé de la sélection à l’entrée du camp, le tatouage, les douches. Je m’imaginais les scènes atroces qu’elle a pu vivre.
(Benjamin, 3e4.)

Elle est rentrée dans le camp, mais sa famille et ses amis, eux, étaient en train de se faire gazer. Quand elle a vu la fumée. Les gens du camp lui ont dit que c’était sa famille mais elle ne les a pas cru car elle se disait que ce n’était pas possible que des humains fassent ça.
(Lisa, 3e4.)

Elle avait pratiquement notre âge quand elle y est entrée.
(Amélie, 3e4.)

Quand elle a raconté son arrivée au camp, comment elle a été mise à nue, tatouée et rasée... On en avait parlé en classe, mais c’est différent venant de quelqu’un l’ayant vécu.
(Sébastien, 3e4.)

Dès qu’elle est arrivée dans le camp de concentration, on leur a coupé les cheveux, puis après on l’a tatouée, et après on l’a lavée, mais avec une pomme de douche pour cinq...
(Thibaut, 3e4.)

Elle nous a aussi expliqué qu’à l’arrivée, pour se doucher, elle n’avait pas de savon et que les douches ne duraient vraiment pas longtemps. Ensuite venait l’habillage : on leur a donné des vêtements mal accommodés à la taille des personnes.
(Julien, 3e4.)

A Birkenau, les nazis leur ont demandé de retirer leurs vêtements et comme elle était très pudique, cela a été très dur pour elle. Ensuite, ils les ont envoyé se doucher, mais l’eau était un coup froide, un coup chaude et elle n’avait même pas de savon ni de serviette pour s’essuyer. Quand les nazis les ont rasées, elles se sont toutes trouvées ridicules et pareil quand ils leur ont donné les vêtements.
(Angélique, 3e3.)

Elle trouvait que l’odeur du camp ne sentait pas bon. Elle croyait que c’était une usine, alors que c’était les corps en train de brûler.
(Alexandre, 3e4.)

On leur a enlevé leur identité, que ce soit des hommes ou des femmes, aux yeux des nazis, ce n’était que des nombres à présent.
(Camille D., 3e3.)

En arrivant, il y avait une fumée. Elle pensait que c’était une usine pour le travail. Mais non, c’était là où on brûlait les personnes malades, fatiguées, les vieux. Son travail était de creuser des fosses.
(Anne-Élise, 3e3.)

Les travaux qu’elle faisait était de creuser un trou pour mettre les cadavres qui ne brûlaient pas tous dans les crématoires.
(Thibaut, 3e4.)

Ce qui a aussi été frappant, c’est qu’ils prenaient des coups sur chaque ordre donné.
(Clément, 3e3.)

On n’arrive pas à imaginer que des humains aient pu vivre une telle souffrance, qu’ils étaient totalement démunis, qu’on les laissait mourir de faim, de fatigue, et d’épuisement.
(Alma, 3e3.)

Avant d’entrer dans le camp, elle était assez enrobée. Alors qu’en en sortant, elle ne pesait que 27 kilos. Quand elle rentrait chez elle et que le train vibrait, elle ressentait toutes les vibrations raisonner dans son corps squelettique. C’était très douloureux.
(Gaëlle, 3e4.)

Elle nous a dit qu’à son retour, elle faisait 27 kilos. Je savais qu’à leur retour, ils étaient maigres, mais je ne le pensais pas à ce point.
(Marie, 3e3.)

Quand elle est ressortie du camp, dans le train qui la ramenait à Paris, elle a attrapé le typhus.
(Valentin, 3e3.)

Elle se croyait à son retour sans famille. Or elle retrouva sa mère et ses sœurs.
(Charlotte, 3e4.)

Le témoignage :
Son témoignage était très touchant. Mais comme elle nous l’a dit, cela ne sert à rien de la plaindre. Ce qui m’a plu, c’est qu’elle était contente de se confier à nous. Ça lui fait du bien de partager ce qu’elle a vécu, de témoigner. On est un peu comme ses confidents.
(Chloé, 3e4.)

Aujourd’hui, cela ne la dérange pas de parler de son histoire, de ce qu’elle a vécu.
(Raphaël, 3e4.)

Mme Kolinka n’a aucune peur de dire ce qu’elle a ressentit lors de ces événements. Elle dit même que ça la soulage de témoigner auprès de jeunes comme nous. Mais devant sa famille, elle n’aurait jamais réussi à leur dire tout ce qu’elle a vécu.
(Charlotte, 3e4.)

Cette femme est marquée à vie car elle a un numéro tatoué sur l’avant-bras. Sous son numéro, elle a un triangle, mais elle n’a jamais su ce qu’il voulait dire.
(Chloé, 3e4.)

Ce qui m’a le plus touché, c’est cette marque qu’elle doit garder toute sa vie, le tatouage, rappelant la souffrance de toutes ces années. Comment peut-elle en parler si facilement maintenant ?
(Victor, 3e4.)

Ce qui m’a le plus émue lors du témoignage de Mme Kolinka, est le fait qu’aujourd’hui elle n’en veuille plus aux Allemands. Enfin, elle a dit qu’elle n’en veut pas aux fils et aux petits-fils de nazis. Même s’ils ne sont pas responsables, elle aurait pourtant toutes les raisons du monde de les détester et même de les haïr.
(Vanessa, 3e4.)

J’ai surtout retenu le fait qu’elle n’avait aucune haine envers les Allemands mais elle ne pardonne pas aux nazis ce qu’ils lui ont fait.
(Ken, 3e4.)

Ce qui m’a marquée, c’est qu’elle dise qu’après sa quarantaine, quand elle a été libérée, elle avait quelque chose en elle de brisé, qui faisait qu’elle était devenue insensible, qu’elle ne ressentait plus rien en en parlant.
(Gaëlle, 3e4.)

Ce qui m’a vraiment touchée, c’est quand elle nous a supplié d’en parler à nos enfants, petits-enfants, car nous sommes la dernière génération qui pourra avoir l’occasion de voir des déportés.
(Camille G., 3e3.)

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